vendredi 18 janvier 2008

DECLARATION DES BAFULIIRU

TERRITOIRE D’ UVIRA


DECLARATION DES BAFULIIRU A LA CONFERENCE DE GOMA SUR LA PAIX, LA SECURITE ET LE DEVELOPPEMENT DES PROVINCES DU NORD ET SUD –KIVU
DU 6 AU 21 JANVIER 2008


INTRODUCTION

Les Bafuliiru, traditionnellement pacifiques vivent dans la collectivité du même nom, et dans la collectivité plaine de la Ruzizi, en Territoire d’Uvira, Province du Sud-Kivu. L’agriculture, l’élevage, la pêche, et la chasse sont leurs activités principales.

Invités à participer à cette conférence sur la paix, la sécurité et le développement dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, les Bafuliiru voudraient, pour arriver à une paix durable, dire la vérité, afin que tous les participants soient mieux informés, car la falsification de l’histoire amène parfois les autorités à prendre des décisions qui, au lieu de résoudre les différends, les ravivent.

Dans le cadre de cette conférence, la délégation de la tribu Fuliiru tient à apporter sa contribution sur les thèmes suivants :

- La paix
- La sécurité
- Le développement et
- Les questions sociales et humanitaires.

1. DE LA PAIX.

Soucieux de ramener la paix, nous vous traçons un bref historique pour une mise à niveau.

En effet, depuis les années 1924, les Bafuliiru ont accueilli les Banyarwanda et Barundi fuyant les atrocités de la vie (famine ….) ainsi que les guerres séculaires et récurrentes qui sévissaient dans leurs pays respectifs.

Le Mwami des Bafuliiru de l’époque, reconnu pour son hospitalité légendaire, leur accorda une terre d’asile dans sa collectivité en installant les Barundi dans la plaine de la Ruzizi et les Rwandais, en quête des pâturages, à Kakamba

Ne s’y étant pas acclimatés, le colonisateur Belge réinstallera les Rwandais à Mulenge. Pour mémoire, Mulenge, dont est tiré le pseudonyme BANYAMULENGE ou NYAMULENGE selon le cas , est le nom du chef d’une famille pygmée qui vivait sur une colline qui porta son nom après sa mort. Cette colline est située à 15km au Sud de Lemera, chef lieu de la chefferie des Bafuliiru.

Signalons en passant que les descendants du pygmée Mulenge ne s’appellent pas pour autant des Banyamulenge, nom qu’utilise actuellement les membres de la communauté Rwandaise qui a eu à séjourner à Mulenge, patrimoine incontestablement ancestral du Mwami des Bafuliiru. Dès 1959, des vagues des réfugiés Tutsi en provenance du Rwanda se déversent dans la collectivité des Bafuliiru . Deux autres camps y seront érigés : le camp de Katobo, et celui de Lemera. Tous ces réfugiés étaient pris en charge par le HCR. Des documents coloniaux attestent cet état de choses.

A la suite des guerres intervenues en RDCongo entre 1964 et 1966, et à défaut d’une assistance humanitaire du HCR, ces réfugiés rwandais seront dispersés dans les territoires d’Uvira, Fizi et Mwenga où ils cohabiteront parfaitement avec les populations autochtones sans accrochage aucun : ces rwandais étaient les meilleurs bergers de nos vaches , nous épousions leurs filles, nous hébergions leurs enfants pour raison d’études. Bref , nous entretenions de bonnes relations avec nos hotes rwandais au point que lors des élections législatives de 1977 , tous les Bafuliiru se sont mobilisés pour l’élection du feu Gisaro, un leader Tutsi, en qualité de commissaire du peuple, l’équivalent aujourd’hui du Député National. Quoi d’anormal

La même année, Mr. Cyprien Rwakabuba Shinga, tutsi également, a été massivement élu par les Bafuliiru en qualité de commissaire politique. Puisque encore vivant, Mr Rwakabuba peut témoigner cette marque de communion, pourtant exercée à sens unique.
Ce faisant, les Fuliiru auront , au travers ces élections commis une erreur monumentale et fatale pour la suite des événements, car aussitôt rentrés à Kinshasa, les deux élus Tutsi tenteront , en intelligence avec feu MAFEMA, alors commissaire d’Etat chargé de l’Administration, à changer la carte administrative du territoire d’Uvira par la création d’une Collectivité propre aux Rwandais. Cette démarche n’aboutira pas grâce à la vigilance des autochtones VIRA et FULIIRU qui n’acceptèrent pas que leurs entités respectives soient amputées.

Par ailleurs, et comme signe de leur refus d’intégration dans la grande famille congolaise et pour marquer leur attachement au Rwanda, leur patrie mère, nombreux de leurs fils sont rentrés massivement au Rwanda en 1990 pour combattre aux cotés du Front Patriotique Rwandais (FPR) après que leurs parents aient vendu tous leurs biens, meubles et immeubles afin d’apporter un appui financier au FPR.

En 1994, les hutu Rwandais, sous la conduite de la Communauté internationale, se déversent sur le sol congolais. Les Bafuliiru, à l’instar d’autres tribus congolaises ne seront pas épargnés des affres de cette guerre du Rwanda, car du coup la présence sur le sol congolais servira de prétexte au Rwanda pour agresser l’ex Zaïre, actuellement RDcongo en 1996 sous le label de l’AFDL.
L’armée rwandaise entre par le poste de Bwegera en Territoire d’Uvira.

Les Bafuliiru seront surpris par l’atrocité avec laquelle les tutsi ayant pourtant vécu avec nous à Uvira vont s’acharner à tuer ceux là qui les avaient hébergés : une ingratitude manifeste et une façon pour eux de cracher sur notre hospitalité légendaire.

En témoignent :

- Les Massacres des Pasteurs à Lemera, et des Abbés de la Paroisse de Kidote.
- Les Massacre de Kiliba, de Makobola , de Kakungwe, de Kahungwe, de Katogota de Kirungu, de Runingu ,etc
Nous n’avons jamais compris le pourquoi de ce comportement criminel et espérons qu’à cette occasion nous nous dirons la vérité pour que nous puissions nous pardonner mutuellement afin de vivre en paix comme par le passé. Pour tout dire, un questionnement persiste et nécessite des réponses :

· Les Fuliiru avaient-ils eu tort d’accueillir les réfugiés rwandais et burundais chez eux pour mériter un traitement si cruel et humiliant ?
· Tous ces réfugiés rwandais et burundais déversés sur les terres fuliiru par vagues successives se seraient ils volatilisés dans l’air comme la fumée d’une cigarette ?
· Qui sont-ils devenus, eux et leurs descendances, car depuis lors il n’y a
jamais eu un quelconque mouvement de rapatriement vers le Rwanda ?

Une précision de taille s’impose ici : Dans le souci majeur de restreindre le pouvoir accru du Mwami des Bafuliiru, le colonisateur Belge créera une entité administrative en faveur des immigrés Burundais en 1928. Tel n’a pourtant pas été le cas pour les réfugiés Tutsi rwandais qui pour des raisons évidentes sont restés sous le contrôle politico-administra tif des Chefs coutumiers Bafuliiru.
Qu’à cela ne tienne. Nous les Bafuliiru avons donné le meilleur de ce dont nous disposions. Que nous reste-t-il encore à donner ? Nos terres pour la création du futur TUTSILAND ? Voilà là une prétention provocatrice et irréalisable car nous n’avons pas le droit de céder, quelqu’en soit le prix, un seul centimètre de la terre de nos aïeux à qui ce soit, armé soit-il.

Par ailleurs, d’autres faits compromettent la paix dans notre Collectivité :

-Les pillages systématiques des ressources naturelles,
-Les viols et violences sexuelles faites aux femmes,
-La transplantation des conflits ethniques rwandais et burundais en RD Congo,
-La manipulation de la Communauté tutsi vivant dans le territoire d’Uvira par leurs leaders pour accéder aux postes ;
-La présence des insurgés dans les hauts et moyens plateaux et leurs refus d’aller au brassage
-La nationalité transfrontaliè re de certains Tutsi vivant en RD Congo

2. DE LA SECURITE

Depuis que les Tutsi vivant dans le territoire d’Uvira se sont retrouvés en nombre exorbitant dans l’Armée, dans la Police et dans d’autres Institutions stratégiques de l’Etat, l’insécurité n’a cessé d’accroître et les Bafuliiru n’ont plus connu la paix.

Au lieu que cette position militaire et politique profite à tout le territoire qui les a accueilli pendant des décennies, c’est plutôt devenu une véritable source d’insécurité, car ils cherchent toujours à nous écraser ;

Au moment où la communauté Tutsi vivant dans le territoire d’Uvira est suffisamment représentée dans l’Armée, dans les Entreprises du portefeuille de l’Etat, pour tout avoir, ils créent d’autres mouvements d’insurrection, c’est le cas du groupe de 47 dans les Moyens et Hauts Plateaux d’Uvira et de Fizi à l’instar du CNDP dans le Nord –Kivu. Malheureusement, à la face du monde, cette situation n’est pas aussi médiatisée comme celle du Nord-Kivu, pourtant dans cette partie de la République, ce phénomène du groupe de 47 a occasionné plusieurs morts, des viols et violences sexuelles ainsi que des déplacés internes abandonnés à leur triste sort, sans aucun appui ni de la communauté nationale et internationale.

L’insécurité chez les Bafuliiru est aussi liée à la présence des groupes armés étrangers à savoir les FDLR, les ex FAR et les Interahamwe, les FNL, l’encadrement insuffisant entretenu des FARDC, de la Police, des services de Sécurité et de Renseignement, ainsi que l’abandon volontaire des démobilisés. Face à ce tableau sombre et à cette menace réelle de disparition et d’extermination, les Bafuliiru n’avaient d’autres choix que de se liguer derrière ses résistants.

Nous tenons à préciser ici que la marginalisation des Bafuliiru dans la gestion de la chose publique tant au niveau local que national, militaire et politique, prépare le lit de les rendre esclaves sur leur propre terre. Chose insupportable et révoltante.

Le territoire d’Uvira étant largement frontalier avec les Pays voisins immédiats qui ont appuyé hier son occupation, regrette que le pouvoir public place même après les élections des agents à moralité douteuse et souvent complice hier de cette occupation de triste mémoire et d’une armée hybride capable à tout moment de faciliter les infiltrations quotidiennes.

Les Bafuliiru qui représentent plus ou moins 95% des populations de la Collectivité Chefferie de la Plaine de la Ruzizi contre plus ou moins 2 à 3 % des populations d’origine Burundaise, les Barundi, se voient se disputer cette entité coutumière Fuliiru alors qu’elle lui appartient de droit.


3. DU DEVELOPPEMENT

Comme le temps qui nous est imparti est si limité, nous profitons de l’occasion pour dire à l’auguste assemblée qu’une étude approfondie de reconstruction du territoire d’Uvira a déjà été menée et sera versée au Comité des Sages et de suivi des résolutions de cette conférence. Mais à titre illustratif nous tenons d’emblée à solliciter au pouvoir public et à d’autres partenaires bilatéraux et multilatéraux dans toute urgence la réhabilitation et la relance de :

la Sucrerie de Kiliba, le Port de Kalundu , la cotonnière du lac ex Onafitex, le barrage hydroélectrique de Katobo, le CDC Kiringye, l’hôpital de Lemera détruit expressément en 1996 par l’AFDL, l’Institut de Kidote qui a servi du Centre d’Instruction militaire des troupes de l’AFDL, l’hôpital de référence d’Uvira, ainsi que la construction de nouveaux hôpitaux de référence, Centres de santé, écoles dans les hauts plateaux et dans la plaine de la Ruzizi.

Nous ne pouvons terminer notre mot sans dire que le désenclavement de tout le territoire d’Uvira, les moyens et les hauts plateaux y compris sera une contribution pour le rétablissement de la paix dans cette partie de la République.


4 DES QUESTIONS HUMANITAIRES ET SOCIALES.


La Collectivité Chefferie des Bafuliiru et de la Plaine de la Ruzizi étant parmi les entités les plus sinistrées par les guerres à répétition, regorgent plusieurs déplacés internes, les retournés et les rapatriés qui ne sont pas suffisamment assistés. Il est important de signaler que plusieurs réfugiés fuliiru sont encore dans les camps des réfugiés situés dans les pays voisins et qui nécessitent un rapatriement urgent pour venir contribuer à la reconstruction de leurs entités respectives.

Quant au chômage généralisé, la création des emplois serait une voie de sortie pour combattre ce fléau. Les personnes marginalisées (les personnes vivant avec handicap, avec le VIH/Sida, les femmes victimes des viols et violences sexuelles, les orphelins et autres enfants en situation difficile, les veuves victimes des guerres et des catastrophes naturelles, etc…) devront attirer l’attention particulière du Gouvernement et d’autres partenaires pour leur réhabilitation morale et psychologique.

Eu égard à ce qui précède, les Bafuliiru disent que s’il existe des communautés qui connaissent mieux la communauté d’expression rwandaise du Sud-Kivu, la communauté Fuliiru en est une. Elle a vécu côte à côte avec elle comme des frères et sœurs. Les Bafuliiru profitent de cette conférence sur la Paix, la Sécurité et le Développement, devant Dieu, l’histoire, la Communauté Nationale et Internationale et devant tous les délégués ici présents, qu’ils ne constituent pas un obstacle à la paix mais se disent disposés à pardonner tout ce qui s’est passé tout en laissant la justice faire son travail.

C’est l’occasion même d’inviter les autres à comprendre qu’il y a un temps pour tout ; celui de la guerre et celui de la paix.

Nous profitons de l’occasion pour recommander :

1. Au Gouvernement Congolais

- De considérer les Bafuliiru comme une tribu hospitalière, pacifique et patriote ;
- Que les Bafuliiru doivent jouer le rôle qui est le leur pour la pacification, la reconstruction et le rétablissement de la paix dans notre Pays ;
- Que la communauté Fuliiru sinistrée soit réhabilitée sur le plan moral, matériel et psychologique;
- Que la communauté Fuliiru soit associée sur le plan local, provincial et national dans la gestion de la chose publique et de la Bonne Gouvernance car ce ne sont pas les compétences qui lui manquent ;
- Que la communauté Fuliiru soit soutenue dans ses efforts pour une cohabitation pacifique définitive avec les autres communautés qui habite ce territoire sans aucune intention de vouloir les transformer en esclave en lieu et place du maître sur son sol ;
- Que la communauté Fuliiru soit rétablie dans ses droits dans la direction de la Plaine de la Ruzizi au besoin en la transformant à une Collectivité Secteur parce que son statut actuel favorise les infiltrations;
- Que le Gouvernement Congolais considère que toutes les communautés vivant en République Démocratique du Congo doivent être traitées au même pied d’égalité sur le plan militaire, politique et sécuritaire ; ceci veut dire qu’aucune d’elle ne doit prétendre que militairement elle a l’obligation de défendre leurs propres frères en lieu et place de tous les congolais, elle doit obéir à la hiérarchie militaire de se rendre au brassage d’abord et de se mouvoir ensuite dans toute quiétude à travers toute l’étendue de la République Démocratique du Congo.
- Pour avoir défendu sans ambiguïté l’intégrité territoriale, que les Bafuliiru soient promus sans tergiversation militairement et politiquement.

2. A la Communauté Internationale

- Que la communauté internationale joue un franc jeu pour la consolidation de la paix et de la sécurité en RD Congo en général et dans le Territoire d’Uvira en particulier ;
- Qu’elle facilite le retour de tous les ex-FAR, des FDLR , les Interahamwe et les FNL dans leurs pays d’origine ;
- La création d’un tribunal international pour la RDCongo.
3. A la Communauté Tutsi vivant en Territoire d’Uvira

- Qu’elle cesse de se victimiser à travers les médias tant nationaux qu’internationaux. Tant il est démontré que pour la plupart des cas décriés, ce sont les membres de cette communauté qui se révèlent en être les auteurs. L’on se trouve là, et ce dans beaucoup d’exemples, en présence des vrais voleurs qui crient aux faux voleurs ;
- Qu’elle renonce à l’idée provocatrice consistant à exproprier les autochtones Vira-Fuliiru- Bembe et Lega de leurs terres pour y ériger un Territoire propre aux seuls membres de sa communauté, Minembwe n’étant pas un no man’s land, une terre sans propriétaires ;
- Que la communauté Tutsi vive au Congo comme Congolais et non pas avec les pieds au Congo, tandis que la tête, les mains et le reste du corps sont hors de la frontière. Elle est priée de scier le cordon ombilical qui la lie au Rwanda ;
- Qu’elle s’abstienne de tout acte de nature à déstabiliser le pays d’asile;
- Qu’elle contribue à la reconstruction du territoire d’Uvira au lieu d’investir beaucoup plus au Rwanda.
- Qu’elle reprenne, à l’instar de leur congénères Tutsi du Nord Kivu, son appellation identitaire authentique en lieu et place du pseudonyme Banyamulenge, un cammouflage identitaire adopté récemment en 1976 pour des raisons inavouées;
- Qu’elle s’abstienne de se considérer comme des personnes particulières qui nécessitent des traitements particuliers avec plus des droits et sans devoirs. Le congo n’est pas une jungle. Il y existe des lois régissant les rapports entre les personnes. Leur respect s’impose .


En conclusion, tout en espérant que le contenu de la présente déclaration attirera l’attention particulière des uns et des autres, la tribu FULIIRU déclare haut et fort qu’elle souscrit aux recommandations de la Conférence dans la mesure où elles concourent pour le rétablissement de la Paix, la Sécurité et le Développement dans les Provinces du Nord-Kivu et du Sud- Kivu.

Que vive la République Démocratique du Congo
Que vivent la Paix, la sécurité et le développement du Nord-Kivu et du Sud Kivu.


Je vous remercie